Journées d’Études IESA-CSIC (Cordoue, Espagne) / CJB (Rabat, Maroc).
28-29 Septembre 2017, CJB, Rabat
Dates à retenir :
Date limite de l’envoi des résumés : 31 mai 2017
Notification de la sélection des résumés : 15 juin 2017
Date limite de l’envoi des textes des communications : 4 septembre 2017
Argumentaire :
En Afrique du nord, si on suit les discours officiels et les rapports des institutions supranationales les plus influentes dans la région (PNUD, Banque Mondiale, Union Européenne, etc.), la participation politique et sociale des jeunes est devenue un enjeu . Bien que l’importance de la question de la jeunesse puisse varier selon les conjonctures, à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie, les dirigeants de la région ont lancé des appels pour que les jeunesses de leurs sociétés s’impliquent dans la vie associative et participent aux élections. Or, d’après les données disponibles, il s’avère d’une part, que la majorité de ces jeunes ne vote pas et n’est pas engagée dans une association à but non lucratif. Toutefois, ces deux formes de participation n’épuisent pas les diverses modalités du puzzle d’actions que recouvre l’emploi de cette notion en sociologie politique.
C’est d’abord en partant du constat du poids démographique de la jeunesse, que le rôle de la participation est mis en exergue dans les processus de construction de la citoyenneté et l’évaluation de la qualité des dispositifs démocratiques, voire dans la solution des maux de diverses natures qui toucheraient des pans entiers de cette catégorie de la population. Du chômage à l’émigration clandestine, de l’oisiveté aux comportements à risque, en
passant par la radicalisation idéologique, la recherche de solutions adaptées à des problèmes aussi différents semble
passer désormais par la participation des jeunes aux sein des organes de décision officiels, à l’élaboration des diagnostiques et des politiques publiques et à l’amélioration de la qualité des prestations envers les publics cibles. La citoyenneté active, la participation civique et la représentation associative et politique des jeunes doi vent donc être encouragées. Elles deviennent des dimensions essentielles des réponses à apporter non seulement à des questions
circonscrites, mais bien au-delà, puisqu’elles seraient au cœur des «dynamiques socio-économiques positives et de
la stabilité politique des pays»: «Des jeunes (informés, autonomes et engagés) seront les leaders d’aujourd’hui et de demain du développement humain durable et les promoteurs de nations solides».
Ces discours ont en commun la construction de la jeunesse comme un problème social, doublé d’un problème politique. Leur diffusion ainsi que les initiatives et les programmes qui en découlent octroient à cette catégorie de la population la condition de problème public.
Ce faisant, cette approche très normative doit être mise à l’épreuve d’une connaissance critique et pratique.
Cela passe d’abord par la déconstruction des catégories et des concepts proposés et de la mise en lumière de leur pertinence dans une conjoncture donnée.
Ainsi, la construction de la catégorie jeunesse n’est que rarement soumise à discussion. Or, en fonction des critères retenus tant l’importance numérique des jeunes au sein de la population générale d’un pays donné que leurs conditions, positions et rôles sociaux varient.
Ensuite, l’hétérogénéité que recouvre la notion de jeunesse doit elle aussi être interrogée quand on aborde les questions de participation et de représentation politiques et sociales.
Enfin, ce type de démarche invite à examiner les logiques sociales et politiques, et partant les conflits et les enjeux qui accompagnent les processus de participation et de représentation des populations dites «jeunes», que ce soit au sein de la «société civile» ou des institutions des États. Mécanisme de «bonne» gouvernance, l’encadrement institutionnel et associatif de la jeunesse est aussi un dispositif de contrôle et de gouvernabilité.
Au Maghreb comme ailleurs, la participation politique des jeunes est souvent mesurée à l’aune de l’acte électoral. Les données disponibles concernant les scrutins qui se sont déroulés depuis 2011 confirment de faibles taux de participation, qui se situent en dessous de ceux déjà relativement faibles des électeurs plus âgés. La sociologie électorale a révélé cette tendance à l’abstention caractéristique de cette catégorie d’âge dans de nombreux pays et à différentes époques. Dans le cadre des pays qui nous intéressent ici, l’abstention ne peut être interprétée que comme un manque de civisme, mais analysée plutôt comme un révélateur de la relation de l’électeur au système politique, de l’emprise des partis politiques sur la société et de la perception des enjeux électoraux.
Dans certains pays comme le Maroc et la Tunisie, des mesures de discrimination positive ont été prises par les gouvernement pour offrir une plus large représentation politique aux jeunes. Elles sont perçues comme des réponses aux mobilisations de l’année 2011 qui ont été présentées souvent comme des mouvements contestataires de jeunes. Or, ces perceptions appellent deux remarques: d’abord, on sait très peu de choses sur les débats, les enjeux et les luttes qui ont entouré ces mesures visant à améliorer la représentation politique de cette catégorie de la population; ensuite, la présence proportionnellement importante de jeunes avait déjà été signalée lors de protestations et de troubles récents, mais antérieurs à la vague du « Printemps arabe ». Les carences des dispositifs démocratiques en matière de représentativité des identités et des intérêts se voient souvent compensées ou tout au moins mises en évidence par l’expression du mécontentement sous la forme protestataire.
La jeunesse est avant tout l’âge de la protestation. La notion de protestation est elle aussi polysémique. Ses implications varient en fonction de ses répertoires d’action (violents ou pacifiques), de ses visées de changement (partiel ou subversif) et sa durabilité (ponctuelle ou continue). Elle peut s’exprimer sous diverses formes (la prise de parole, la marche, l’occupation, la dérision, l’humour, l’insulte, la violence physique, etc.), dans divers espaces physiques (la rue, les places, les amphithéâtres, les murs et théâtres), et virtuels (les murs des réseaux sociaux du web 2.0).
La prégnance de cette dimension contestataire dans les actions collectives portées par les jeunes n’épuise pas la participation de ceux-ci dans des actions collectives. Le tissu associatif a connu un essor conséquent au cours de ces dernières années dans tous les pays du Maghreb. Le tissu associatif local, les coopératives, les réseaux informels d’entraide et d’assistance, de production de biens et de services, de capacitation et de sensibilisation de publics pour défendre une cause ou promouvoir des activités de nature très diverse accueillent ou sont impulsés aussi par des jeunes. Il fait souvent appel à des savoirs faire, « professionnels » ou pas, qui sont autant de capacités d’expertises et de ressources pour l’action collective. Il constitue un espace de participation au sein duquel la politisation quand elle n’est pas explicite n’en est pas pour autant complètement absente. C’est dans ce sens qu’on pourra envisager son analyse en complémentarité ou en substitution du champ politique. En effet, si certains jeunes ne s’engagent pas d’autres au contraire sont pluri-engagés.
Enfin, les mass médias, les blogs et les réseaux sociaux sur internet jouent un rôle, dans les différentes phases qui ponctuent les processus d’engagement individuel et de mobilisations collectives, qui mérite d’être creusé.
Mais contrairement à la télévision, le net est aussi un espace au sein duquel l’action collective est produite, même si les liens entre l’action connective et l’action collective sont encore sujet à discussion, puisque chaque cas livre ces propres conclusions au-delà de certaines caractéristiques communes.
Quid dès lors de l’idée si répandue de la dépolitisation et de l’apathie de la jeunesse maghrébine?
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